
Depuis quelques semaines, Benjamin Netanyahou semble renaître de ses cendres après la débâcle du 7 octobre 2023. Alors que le Premier ministre israélien apparaissait jusque-là « diminué » et impopulaire, la perspective d’un conflit direct avec l’Iran et le soutien militaire des États-Unis lui ont offert un formidable sursis. À Tel-Aviv, l’opinion publique, jusque-là très divisée, rallie massivement son chef de gouvernement dans cette nouvelle crise. Comme le résume l’hebdomadaire Al-Monitor, Netanyahou est désormais « en excellente position pour exploiter l’opération militaire contre l’Iran et son soutien américain pour reconquérir de nombreux électeurs israéliens ».
Cette escalade militaire survient après que l’armée israélienne a mené des frappes aériennes contre plusieurs sites nucléaires iraniens, espérant ainsi freiner ce que Netanyahou et ses proches qualifient de « menace existentielle ». Pour nombre d’Israéliens, la destruction ou la neutralisation du programme nucléaire de Téhéran justifie pleinement ce recours à la force. D’après un sondage publié le 22 juin, 73 % des Israéliens approuvent ainsi les attaques sur l’Iran et seulement 18 % y sont opposés.
Une doctrine de longue date : l’ennemi iranien
Cette nouvelle guerre s’inscrit dans la continuité de la doctrine de sécurité israélienne : depuis des décennies, Tel-Aviv considère l’Iran révolutionnaire comme un ennemi héréditaire. Les dirigeants iraniens, de Khomeiny à Khamenei, ont fait de la résistance contre Israël une partie intégrante de leur légitimité, tandis que Netanyahou, depuis les années 1990, a élevé la lutte contre le nucléaire iranien au rang de « croisade personnelle ». À l’ONU comme à la Knesset, il n’a jamais manqué une occasion de présenter Téhéran comme l’ennemi ultime – illustration d’un discours de guerre froide dont il perçoit le double dividende aujourd’hui.
– Al-Monitor, juin 2025
Le tournant américain et l’effet « rally around the flag »
Dans la nuit du 21 au 22 juin, l’aviation américaine a pilonné trois sites nucléaires iraniens, dont la fameuse installation souterraine de Fordo. Benjamin Netanyahou n’a pas caché sa satisfaction : dans une vidéo diffusée au petit matin, il a remercié Donald Trump et assuré que l’intervention américaine allait « changer l’histoire ». Ce revirement spectaculaire, résumé par Le Monde, a consacré le succès d’une stratégie patiemment construite : faire de l’Iran « l’incarnation de la menace extérieure ».
Popularité retrouvée et incertitude politique
Les sondages confirment la remontée spectaculaire du Premier ministre. Channel 14 indique que 54 % des Israéliens affirment faire « confiance » à Netanyahou ; une inversion totale de tendance depuis la guerre de Gaza et la crise du 7 octobre. Selon le Israel Democracy Institute, près de 70 % jugent légitime la décision d’attaquer l’Iran. Le Likoud gagnerait 5 sièges à la Knesset, mais la majorité absolue reste hors d’atteinte sans coalition.
– Nitzan Perelman, sociologue
Reste l’incertitude : la victoire médiatique se traduira-t-elle par un renforcement durable du pouvoir ? Rien n’est moins sûr, tant la société israélienne demeure fracturée, et tant les dossiers judiciaires de Netanyahou pèsent encore sur sa légitimité.
Conclusion : une victoire sous conditions
Le conflit Israël–Iran a incontestablement servi d’électrochoc pour Netanyahou, redonnant du crédit à son discours sécuritaire et rassurant l’électorat au sein d’un climat anxiogène. Le phénomène n’est pas inédit : au lendemain de crises majeures, les opinions tendent à se souder derrière les autorités. Mais l’histoire le montre : même un « phénix » comme Churchill ne fut pas réélu en temps de paix. Netanyahou en est conscient : le vrai pari sera de transformer cette « nouvelle ère » d’élan national en succès politique pérenne, sans négliger la résolution de l’autre conflit toujours en cours.
Sources : Al-Monitor, Le Monde, BFMTV, AA.com.tr, AP News, Israel Democracy Institute.