
Netanyahu peut-il se permettre de refuser le deal de Trump à venir sur la bande de Gaza ?
Dans l'arène géopolitique moyen-orientale de juillet 2025, une question brûlante traverse les chancelleries occidentales et les bureaux du Likoud (parti au pouvoir) : Benyamin Netanyahu peut-il véritablement se permettre de tourner le dos à Donald Trump lorsque celui-ci lui présentera son plan pour Gaza ? Cette interrogation, loin d'être purement théorique, cristallise les tensions croissantes entre deux hommes qui ont longtemps été des alliés stratégiques, mais qui se trouvent désormais dans une danse diplomatique périlleuse où les intérêts personnels et nationaux s'entremêlent dans un écheveau complexe.
Une position intérieure fragilisée
La position de Netanyahu apparaît aujourd'hui plus fragile qu'elle ne l'a jamais été depuis le début de la guerre à Gaza. Le Premier ministre israélien fait face à une équation politique redoutable qui menace la stabilité de son gouvernement de coalition, composé de partis d'extrême droite et ultra-orthodoxes dont les exigences contradictoires créent une tension permanente. Les partis ultra-orthodoxes Shas et Judaïsme unifié de la Torah ont récemment menacé de faire tomber le gouvernement si aucun progrès n'était réalisé sur l'exemption du service militaire pour leurs communautés. Cette crise interne survient alors que Netanyahu doit naviguer entre les pressions internationales croissantes et les attentes de ses partenaires de coalition les plus radicaux, notamment Itamar Ben-Gvir (dirigeant du parti d'extrême droite Force juive, actuel ministre de la sécurité nationale) et Bezalel Smotrich (ministre des finances), qui s'opposent fermement à tout compromis territorial ou politique concernant Gaza.
Trump, un allié devenu imprévisible
Trump, de son côté, a clairement signalé son impatience face à la prolongation du conflit gazaoui et son désir d'obtenir un succès diplomatique tangible. Le président américain a annoncé qu'Israël avait accepté les conditions d'un cessez-le-feu de 60 jours, mais cette affirmation reste sujette à caution tant que les détails concrets ne seront pas rendus publics. Plus révélateur encore, Trump a adopté une approche différente de celle de son premier mandat, privilégiant désormais les intérêts américains avant ceux d'Israël, comme en témoignent ses négociations directes avec le Hamas sans coordination étroite avec Jérusalem. Cette évolution marque une rupture significative avec la relation fusionnelle qui caractérisait les liens Trump-Netanyahu entre 2017 et 2021.
Des pressions internationales inédites
L'environnement international dans lequel évolue Netanyahu s'est également considérablement durci. L'Union européenne, principal partenaire commercial d'Israël avec 42 milliards d'euros d'échanges annuels, examine actuellement la possibilité de suspendre l'accord d'association qui lie les vingt-sept pays membres à Israël depuis 2000. Cette révision, basée sur l'article 2 de l'accord qui conditionne les relations commerciales au respect des droits de l'homme, témoigne d'un changement de ton radical des capitales européennes. Le Royaume-Uni a suspendu ses négociations commerciales avec Israël et imposé des sanctions contre des colons de Cisjordanie, tandis que la France, le Canada et d'autres nations occidentales ont évoqué des « mesures concrètes » si Israël ne met pas fin à son offensive à Gaza.
Ces pressions externes trouvent un écho particulier dans l'opinion publique israélienne, où plus des deux tiers des citoyens souhaitent désormais la fin de la guerre et un accord avec le Hamas pour la libération des otages. Cette lassitude populaire contraste avec la popularité temporaire dont a bénéficié Netanyahu après les frappes contre l'Iran en juin, mais qui s'érode progressivement face à l'enlisement du conflit gazaoui. Les sondages récents montrent une « remontée constante » des intentions de vote en faveur du Likoud, mais aucune formation politique ne parviendrait actuellement à obtenir une majorité absolue en cas d'élections anticipées.
Une stratégie de survie politique risquée
La stratégie de Netanyahu semble dictée par une logique de survie politique qui privilégie la prolongation du conflit comme moyen de maintenir sa coalition au pouvoir et de retarder les procédures judiciaires pour corruption qui le menacent. Cette approche calculatrice s'appuie sur la conviction que la guerre lui offre une protection politique et une légitimité que la paix pourrait compromettre. Cependant, cette stratégie comporte des risques majeurs, notamment celui d'aliéner définitivement Trump, dont le soutien reste crucial pour Israël sur la scène internationale.
Le nouveau plan Trump pour Gaza : une normalisation régionale ?
Le plan de Trump pour Gaza, bien que ses contours restent flous, semble s'articuler autour d'une vision régionale plus large incluant l'expansion des Accords d'Abraham et une normalisation avec l'Arabie saoudite. Cette approche diffère fondamentalement de la proposition controversée de février 2025 où Trump avait évoqué une prise de contrôle américaine de Gaza et le déplacement de la population palestinienne. L'administration Trump mise désormais sur une solution qui permettrait aux États-Unis de se repositionner comme l'architecte d'un nouvel ordre régional, tout en contenant l'influence iranienne et en relançant la dynamique de normalisation avec le monde arabe.
Refuser ou accepter : un dilemme existentiel
Pour Netanyahu, refuser ce plan comporterait des risques considérables. D'abord, cela compromettrait sa relation avec Washington à un moment où Israël a besoin du soutien américain face aux pressions internationales croissantes. Ensuite, cela pourrait précipiter une crise de coalition si ses partenaires ultra-orthodoxes, déjà mécontents de la gestion du dossier de l'exemption militaire, décidaient de retirer leur soutien. Enfin, cela alimenterait davantage l'opposition interne qui dénonce déjà sa priorité donnée à sa survie politique au détriment des intérêts nationaux.
Paradoxalement, accepter le plan de Trump présente également des défis majeurs pour Netanyahu. Ses alliés d'extrême droite, notamment Ben-Gvir et Smotrich, s'opposent fermement à tout compromis sur Gaza et ont déjà menacé de quitter le gouvernement en cas d'accord qu'ils jugeraient insuffisant. Cette opposition pourrait précipiter la chute du gouvernement et forcer des élections anticipées que Netanyahu pourrait perdre, malgré ses récents gains de popularité liés aux frappes contre l'Iran.
Une équation régionale de plus en plus complexe
La dimension géopolitique régionale ajoute une complexité supplémentaire à cette équation. L'évolution de la situation en Syrie avec l'effondrement du régime d'Assad, les tensions persistantes avec l'Iran malgré le cessez-le-feu récent, et les aspirations saoudiennes à jouer un rôle de premier plan dans la région créent un environnement en mutation constante. Netanyahu doit naviguer dans ce contexte tout en préservant les acquis sécuritaires d'Israël et en maintenant sa position de force face aux adversaires régionaux.
Leadership, héritage et pressions morales
L'analyse des motivations profondes de Netanyahu révèle un dirigeant dont la vision du monde est façonnée par une méfiance fondamentale envers les "grands gestes" diplomatiques et une conviction que la nature humaine est intrinsèquement sombre. Cette philosophie politique, qui l'a servi pendant des décennies, pourrait paradoxalement constituer un obstacle à sa capacité d'adaptation face aux nouvelles réalités imposées par Trump et la communauté internationale.
Les conséquences humanitaires du conflit à Gaza, avec plus de 57 000 morts palestiniens selon le ministère de la Santé de Gaza, et la destruction quasi-totale de l'infrastructure civile, créent une pression morale et politique supplémentaire sur Netanyahu. Ces chiffres, régulièrement mis en avant par les organisations internationales et les médias mondiaux, alimentent la campagne internationale de délégitimation d'Israël et renforcent l'isolement diplomatique du pays.
- Watson – «Trump a snobé et humilié Netanyahou»
- La Croix – Donald Trump peut-il obtenir la paix au Proche-Orient ?
- Le Monde – Un si Proche Orient : La vérité sur le pacte entre Trump et Nétanyahou
- RFI – Géopolitique : Proche-Orient, Donald Trump donnera-t-il carte blanche à Benyamin Netanyahu ?
- Le Monde.fr – « Plan de paix » au Proche-Orient : « Une sorte de duo terrible et exclusif s’est mis en place entre Trump et Nétanyahou »
- Politis – Le sort du Moyen-Orient se joue à Washington
- Haaretz - How Netanyahu Pushed IDF Intelligence to Raise Threat Level on His Life in Bid to Dodge Criminal Trial