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Inculpation de Cécile Kohler et Jacques Paris pour espionnage au profit d’Israël : une nouvelle escalade dans la « diplomatie des otages »

par Chamsin - 3 juillet 2025
Prison d'Evin à Téhéran
La prison d’Evin, à Téhéran, épicentre de la répression politique et lieu de détention des deux Français depuis 2022.

Des accusations inédites, un risque de mort aggravé

Les Français Cécile Kohler et Jacques Paris, emprisonnés depuis plus de trois ans en Iran, ont vu leur situation s’alourdir après l’annonce, le 2 juillet 2025, de nouvelles inculpations : espionnage pour le Mossad, « complot contre le régime » et « corruption sur terre ». Ces chefs d’accusation, jamais officiellement détaillés jusqu’ici par les autorités iraniennes, ont été confirmés par des sources diplomatiques occidentales et l’entourage des détenus. Chacun d’entre eux est passible de la peine de mort en droit iranien, faisant planer une menace d’exécution sur le couple.

Prison d'Evin à Téhéran

Retour sur la détention : de l’arrestation à la prison d’Evin

Cécile Kohler, 40 ans, professeure de lettres modernes, et Jacques Paris, 72 ans, ancien professeur de mathématiques, ont été arrêtés le 7 mai 2022 au terme d’un séjour touristique en Iran. Rapidement transférés à la prison d’Evin, ils sont placés dans la section 209, réservée aux prisonniers politiques. Leur quotidien est marqué par la dureté de l’isolement, qu’ils ont subi durant trois mois, et par une pression psychologique continue. Selon la famille de Cécile Kohler, les autorités leur promettent régulièrement un verdict « imminent et très sévère » sans que rien ne se concrétise, accentuant l’incertitude et l’angoisse.

La guerre Iran-Israël et le bombardement de la prison d’Evin

Leur situation s’est détériorée avec la « guerre des 12 jours » ayant opposé Israël à l’Iran du 13 au 24 juin 2025. Le 23 juin, la prison d’Evin a été la cible d’un bombardement israélien qui, selon les autorités iraniennes, aurait causé 71 morts et détruit une partie du centre de santé ainsi que le parloir. Les autorités françaises assurent que les deux détenus « n’auraient pas été touchés », mais leurs familles demeurent inquiètes. Après cette attaque, Kohler et Paris ont été déplacés vers d’autres établissements pénitentiaires dans la province de Téhéran.

Un levier stratégique de Téhéran : la diplomatie des otages

L’arrestation prolongée de Cécile Kohler et Jacques Paris s’inscrit dans une stratégie assumée par Téhéran : la « diplomatie des otages ». En retenant des citoyens occidentaux, l’Iran cherche à se doter d’un moyen de pression dans le cadre de négociations bilatérales ou multilatérales, qu’elles soient politiques, économiques ou judiciaires. Cette pratique, qui remonte à la crise des otages américains de 1979-1981, continue d’imprégner la doctrine iranienne en matière de « réponse asymétrique ».

On observe une application différenciée selon les pays : la journaliste italienne Cecilia Sala, détenue vingt jours, a été libérée en échange d’un Iranien incarcéré à Rome. Ce traitement contraste avec la rétention prolongée des Français, que certains analystes interprètent comme une volonté de diviser les États européens. Les tensions franco-iraniennes, alimentées notamment par le soutien affiché de Paris à l’activation du mécanisme de « snapback » pour réimposer des sanctions à l’Iran, expliquent aussi la dureté de la position iranienne.

Réactions françaises et internationales

Face à l’enlisement du dossier, la France a saisi la Cour internationale de Justice (CIJ) le 16 mai 2025 pour violation par l’Iran de la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Cette démarche vise à dénoncer les « manquements graves et répétés » de Téhéran et à obtenir un arrêt condamnant ces pratiques. Dans le même temps, le président Emmanuel Macron et le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot multiplient les déclarations publiques et les pressions diplomatiques, dénonçant une détention « totalement arbitraire » et exigeant la libération immédiate et inconditionnelle des deux ressortissants.

L’exécutif français affirme son « soutien indéfectible » aux familles et assure « agir sans relâche » pour obtenir la libération de Kohler et Paris, qualifiés d’« otages d’État ». La situation s’inscrit dans un contexte où la France, comme d’autres pays européens, doit conjuguer la défense de ses ressortissants avec la gestion d’une crise diplomatique majeure.

Conséquences géopolitiques et instrumentalisation judiciaire

L’inculpation pour espionnage au profit d’Israël intervient dans une phase de tensions extrêmes entre l’Iran et les puissances occidentales, exacerbées par le récent conflit armé avec Israël et les sanctions européennes visant Téhéran. Selon plusieurs observateurs, l’orientation des accusations pourrait servir de prétexte à l’Iran pour prolonger la détention de ses otages français et renforcer sa pression sur Paris et ses alliés. À l’heure où les négociations multilatérales s’enlisent, cette instrumentalisation judiciaire accentue la défiance bilatérale et pèse sur l’avenir des relations euro-iraniennes.


Sources :