À l’automne 2025, la ville côtière de Gabès – chef-lieu du gouvernorat éponyme, au Sud-Est de la Tunisie, et seule oasis littorale du bassin méditerranéen – voit se multiplier les manifestations et les mobilisations citoyennes. Depuis septembre, plus de deux cents cas d’intoxication ont été recensés par le collectif Stop Pollution de Gabès, touchant en majorité des enfants. Tous présentent les mêmes symptômes : difficultés respiratoires aiguës, brûlures de la gorge, évanouissements. Les médecins comme les habitants incriminent les émanations toxiques provenant du complexe industriel du Groupe chimique tunisien (GCT), une usine étatique inaugurée en 1972 en bord de mer, qui fabrique des engrais phosphatés à partir d’acide sulfurique et d’ammoniac, et rejette depuis des décennies ses résidus gazeux et solides en pleine nature. Pour plusieurs experts, le regain récent d’émanations serait lié à une intensification de la production sur des équipements vétustes.
Mais la colère ne naît pas seulement de ces épisodes d’asphyxie. Dès le printemps 2025, l’annonce par le gouvernement d’un programme visant à porter la production nationale de phosphate à 14 millions de tonnes d’ici 2030 avait déjà ravivé les inquiétudes locales. Beaucoup y voyaient une fuite en avant : comment augmenter massivement la production alors que les infrastructures actuelles peinent à respecter les normes minimales ? Cette ambition, perçue comme déconnectée de la réalité, a renforcé un sentiment d’absurdité et d’injustice, préparant le terrain à l’explosion sociale qui suivra quelques mois plus tard.
L’onde de choc est immédiate : la ville se met en grève générale le 21 octobre, des milliers de personnes descendent dans la rue et les manifestations se poursuivent jour après jour. Elles sont systématiquement dispersées par des tirs massifs de gaz lacrymogène, avec des dizaines d’arrestations. Une seule revendication réunit les habitants : « Le peuple exige le démantèlement des unités polluantes. » Les cas d’asphyxie ne sont pas la crise ; ils en sont le déclencheur, la goutte d’eau qui fait déborder un vase rempli depuis plusieurs décennies de pollution accumulée, de promesses non tenues et d’un déclin lent mais continu de l’appareil industriel.
Derrière cet événement brutal, une question bien plus profonde s’impose : la crise de Gabès est-elle un accident écologique local, ou l’éruption visible d’un modèle économique et politique arrivé à bout de souffle ?
Un modèle hérité des années 1970 : industrialisation, priorités économiques et impensé écologique
La crise que traverse aujourd’hui Gabès trouve ses racines bien avant 2025. Pour comprendre comment ce modèle industriel s’est imposé sur la côte sud, il faut revenir au début des années 1970, à un moment où l’État cherche avant tout à remettre le pays en marche.
Après l’échec de l’expérience collectiviste des années 1960, la Tunisie traverse une période de fragilité économique et sociale. Nommé Premier ministre en 1970, Hédi Nouira arrive aux commandes d’un pays fragilisé, marqué par le chômage, les déséquilibres régionaux et un climat social tendu. L’enjeu est clair : relancer l’activité, moderniser l’économie et répondre à l’urgence sociale d’une jeunesse nombreuse privée de perspectives.
Dans ce contexte, Nouira opte pour une industrialisation rapide et une politique d’ouverture économique encadrée. L’objectif est double : créer des emplois à grande échelle et intégrer les régions longtemps marginalisées dans le tissu productif national. Le Sud – dont Gabès – fait partie de ces territoires que l’État veut arrimer à la modernisation pour réduire les disparités territoriales et fixer les populations rurales par le travail.
L’industrie, et en particulier la transformation du phosphate, apparaît alors comme un levier évident. Depuis les années 1950, la Tunisie développe des unités de transformation pour éviter l’exportation à l’état brut du phosphate, mais c’est sous Nouira que l’ambition prend une dimension stratégique : attirer les investissements, développer des unités tournées vers l’export et installer des pôles industriels dans des régions jusque-là en marge du développement national.
C’est dans ce cadre que s’inscrit l’implantation du complexe chimique de Gabès en 1972. L’idée est simple et puissante : transformer le phosphate sur place, créer une zone industrielle capable d’absorber une partie de la pression sociale, dynamiser la région et accompagner l’émergence d’une Tunisie industrielle tournée vers l’extérieur. Le complexe est perçu comme un symbole de modernité, censé offrir des emplois stables et ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour le Sud.
Mais cet horizon industriel se construit avec un impensé majeur : la dimension écologique. Dans les années 1970, l’environnement n’est pas encore un sujet public. Il faudra attendre 1991 pour que la Tunisie se dote d’un ministère dédié. Installer des unités chimiques lourdes au cœur d’une oasis littorale ne soulève donc aucune interrogation institutionnelle. La priorité est économique : produire, exporter, employer.
Les risques sanitaires ou environnementaux ne sont ni discutés ni anticipés. Les premières alertes locales, lorsqu’elles apparaissent, restent marginales et sans écho.
Cette logique se consolide dans les décennies suivantes. Avec la création du Groupe chimique tunisien en 1992, Gabès devient l’un des centres industriels les plus importants du pays, avec des installations au contact direct des habitations, des écoles et de l’oasis. Pendant des années, l’absence de normes environnementales strictes, de mécanismes de contrôle indépendants et de gouvernance locale solide permet au complexe de fonctionner sans véritable surveillance.
Ainsi, la genèse du site de Gabès s’inscrit dans une histoire de priorités économiques et sociales où l’écologie n’avait tout simplement pas sa place.
Ce premier choix n’explique pas tout, mais il installe durablement un modèle industriel aveugle à son environnement. Avec les années, ce modèle finira par redessiner Gabès jusque dans ses milieux naturels.
Un désastre écologique total et ses répercussions sociales et sanitaires
L’impensé écologique qui a présidé à la naissance du complexe de Gabès s’est progressivement matérialisé dans le paysage. Cinquante ans après son installation, les rapports de l’Agence nationale de protection de l’environnement (ANPE), l’autorité publique chargée du contrôle et de la prévention de la pollution, les audits environnementaux réalisés sur les sites du GCT et les données recueillies par les organisations de la société civile locale décrivent une dégradation d’une ampleur exceptionnelle.
Au cœur du problème se trouve le phosphogypse, un résidu industriel acide généré lors de la transformation du phosphate en engrais chimiques. La Tunisie, riche en phosphate, a fait dès les années 1970 le choix de transformer cette ressource localement pour l’exportation. Mais ce procédé génère des volumes colossaux de déchets toxiques : depuis 1972, environ 14 000 tonnes de phosphogypse sont déversées chaque jour sur le littoral de Gabès – un chiffre issu du Rapport définitif de l’audit environnemental et social des sites du Groupe chimique tunisien (juillet 2025). Ces rejets massifs, confirmés également par le collectif Stop Pollution, ont détruit les herbiers marins et transformé de larges portions du golfe en zones mortes.
Ce flux constant a profondément transformé l’écosystème marin.
Au fil des années, différents diagnostics environnementaux – menés par l’Agence nationale de protection de l’environnement, des audits indépendants, des équipes d’experts tunisiens et des organisations de la société civile locale – convergent tous vers le même constat : la baie de Gabès est devenue l’un des littoraux les plus dégradés du pays. Les herbiers sous-marins ont presque disparu, les eaux s’acidifient, et la biodiversité s’effondre.
La faune marine, autrefois abondante, s’est effondrée : selon des responsables locaux cités par Al Jazeera en 2015, les quelque 250 espèces recensées il y a plusieurs décennies ne seraient plus qu’une quarantaine aujourd’hui. Les pêcheurs décrivent des sorties en mer de plus en plus vaines, parfois des journées entières sans rien ramener. Dans plusieurs témoignages relayés par des organisations locales, certains expliquent avoir quitté Gabès — parfois jusqu’en Italie — faute de pouvoir continuer à vivre de la mer.
À terre, l’impact est tout aussi violent. L’oasis littorale – irriguée depuis des siècles par des sources naturelles qui jaillissent du sol – se dégrade sous l’effet combiné de la surexploitation des nappes, de la salinisation des sols, de l’urbanisation non maîtrisée et des fumées toxiques émises par les unités industrielles. Les cultures s’affaiblissent, les jaillissements déclinent, les palmeraies reculent.
L’air est lui aussi saturé.
Habitants, enseignants, médecins et associations décrivent depuis des années une atmosphère chargée de gaz irritants, une odeur persistante d’ammoniac, des fumées visibles à l’œil nu. Des analyses locales – certaines menées avec l’appui d’organismes internationaux comme Expertise France – évoquent des niveaux anormaux de particules acides et des pathologies respiratoires chroniques. Les organisations de la société civile dénoncent le blocage ou le retardement de plusieurs études indépendantes, qui auraient permis de documenter précisément l’étendue des risques sanitaires.
Les conséquences sociales sont directes : agriculture en recul, pêche détruite, tourisme impossible, chômage élevé, exode massif des jeunes.
Dans les récits recueillis sur place, Gabès apparaît comme une ville qui « s’étouffe lentement ». Depuis les années 1990, les promesses de modernisation, de dépollution ou de délocalisation se succèdent — et échouent.
L’année 2025 marque un point de bascule.
Entre septembre et octobre, plus de 200 cas d’intoxication, principalement chez des enfants, sont recensés par le collectif citoyen Stop Pollution de Gabès. Les symptômes – asphyxies, brûlures de la gorge, pertes de connaissance – provoquent un choc dans la population. Pour les habitants, cet épisode n’est pas une anomalie : il est le résultat logique d’un demi-siècle d’émissions non contrôlées, aggravées par la vétusté des installations et par une intensification récente de la production.
Alors que les signaux d’alerte s’accumulaient depuis des années – phosphogypse rejeté sans traitement, écosystèmes en effondrement, projets de dépollution abandonnés – rien n’a véritablement été mis en œuvre pour inverser la tendance. Ce moment de rupture expose les conséquences humaines et sanitaires d’un modèle industriel pensé pour produire coûte que coûte, sans dispositifs de protection ni contrôle effectif.
Une question s’impose désormais, comme une évidence que l’actualité rend impossible à contourner : comment un tel désastre a-t-il pu s’enraciner pendant des décennies sans intervention décisive de l’État ?
La réponse ne tient pas seulement aux contraintes économiques : elle se trouve aussi dans la manière dont les autorités ont choisi de gérer – ou d’écarter – la crise de Gabès.
L’État face à l’épreuve : discours écologiques ambitieux, pratiques politiques à bout de souffle
La crise de Gabès met en lumière un contraste que les habitants ne supportent plus : un État qui multiplie les textes et les déclarations en faveur de l’environnement, mais dont les pratiques continuent de protéger l’industrie au détriment de la population. Ce décalage nourrit un sentiment d’abandon et explique en grande partie l’ampleur de la colère sociale.
Depuis une dizaine d’années, le cadre juridique tunisien s’est pourtant densifié. La Constitution de 2014 consacre le droit à un environnement sain et la protection des ressources naturelles. La Constitution du 25 juillet 2022 reprend cette orientation et l’intègre même dans son préambule. Dans sa continuité, une Stratégie nationale de transition écologique est adoptée début 2023 : elle prévoit la création d’instances dédiées, un futur Code de l’environnement, des mécanismes de financement “verts”, et reconnaît explicitement que la majorité de la pollution du pays provient d’entreprises publiques. Sur le papier, l’État adopte le langage de la transition écologique et se positionne comme un acteur stratégique.
Mais la réalité contredit systématiquement cette ambition. Alors que l’État proclame l’environnement “priorité nationale”, Gabès continue pourtant de suffoquer. Les contrôles restent sporadiques, les audits commandés par les autorités ne sont pas suivis d’effets, et les mécanismes de responsabilisation demeurent largement inopérants. Cette inertie administrative alimente un sentiment de décalage profond entre les déclarations officielles et la situation vécue sur le terrain.
La crise de 2025 rend ce fossé encore plus visible. Les vagues d’intoxication touchant des enfants – filmées, relayées, et devenues virales – provoquent un électrochoc national. Le 21 octobre, la ville se paralyse lors d’une grève générale, et plusieurs dizaines de milliers d’habitants descendent ensuite dans la rue pour exiger le démantèlement des unités polluantes. La réponse des autorités se durcit : arrestations nocturnes, perquisitions, convocation de militants écologistes. À mesure que la contestation s’amplifie, la crise environnementale se double d’une crise politique.
Depuis l’automne, les déclarations présidentielles s’inscrivent dans une stratégie discursive désormais bien rodée : dénonciation des défaillances passées, mise en cause de réseaux de corruption, allusions à des tentatives d’instrumentalisation de la souffrance des habitants. Le pouvoir affirme “suivre la situation de près” et promet des réparations urgentes. Mais pour les habitants, ces annonces arrivent tard, sans calendrier clair, et semblent davantage répondre à l’ampleur de la colère qu’à une volonté réelle de transformer l’industrie. La défiance s’enracine.
À cette crise politique s’ajoute une réalité économique devenue difficile à ignorer : la filière phosphate ne joue plus le rôle stratégique qu’elle occupait autrefois. Production instable, infrastructures vieillissantes et faible compétitivité affaiblissent durablement le secteur. Face à ces limites, l’idée d’un recours à des investissements étrangers, notamment chinois, revient régulièrement dans le débat politique, sans toutefois constituer une solution structurelle.
Au fond, la crise de Gabès révèle surtout un décalage durable entre les ambitions affichées et les actes posés. Elle interroge la capacité réelle de l’État à réformer un secteur qui combine enjeux sociaux, économiques et environnementaux. La question devient alors inévitable : faut-il continuer à soutenir une activité qui pèse sur l’économie, sur l’environnement et sur la population ?
Un secteur extractif à l’agonie : un pilier économique devenu un fardeau
La question est désormais posée : que vaut encore le phosphate tunisien, et pourquoi l’État continue-t-il à soutenir une filière qui peine à se maintenir à flot ?
Si la Tunisie aime rappeler qu’elle dispose de réserves importantes de phosphate, les données le confirment : selon le Mineral Commodity Summaries 2025 de l’USGS, l'Institut d'études géologiques des États-Unis, ces réserves avoisinent 2,5 milliards de tonnes. Un volume notable à l’échelle régionale, mais qui contraste avec celui du Maroc, détenteur de près de 50 milliards de tonnes, soit environ 70 % des réserves mondiales.
Ce contraste renvoie aussi à deux trajectoires industrielles distinctes.
Au Maroc, l’OCP, premier producteur mondial de phosphate, a développé depuis les années 2000 un modèle intégré associant extraction, transformation chimique, production d’engrais spécialisés et investissements dans la R&D. Cette stratégie lui a permis d’attirer 20,3 milliards de dirhams d’investissements directs étrangers en 2025, selon Jeune Afrique, et de s’imposer comme un acteur majeur des engrais phosphatés.
En Tunisie, la filière reste largement organisée autour d’un appareil industriel ancien et centré sur la transformation primaire. Malgré des réserves significatives, la production nationale progresse peu et occupe désormais une place limitée dans les statistiques mondiales, illustrant l’écart grandissant entre potentiel géologique et performance industrielle.
Le Groupe chimique tunisien, cœur de la filière, illustre ce recul : montée en gamme impossible, faibles rendements, dépendance persistante à des circuits d’exportation peu valorisants. La contribution économique du secteur s’est progressivement réduite, au point que le phosphate ne représente plus qu’une fraction des exportations du pays.
À cela s’ajoute une contradiction désormais centrale : le pays supporte les risques sociaux et territoriaux liés au maintien d’une industrie lourde, tout en récoltant peu de bénéfices économiques. Le maintien du secteur est désormais justifié avant tout pour préserver l’emploi dans des régions déjà fragilisées.
Face à cette impasse, certains responsables évoquent régulièrement l’hypothèse d’investissements étrangers, en particulier chinois. Mais les expériences passées montrent les limites de cette voie : projets réalisés clé en main par des entreprises étrangères, peu de transferts de compétences, création d’emplois très limitée, et des annonces souvent sans lendemain. Cette piste ne traduit pas une stratégie de modernisation, mais plutôt une tentative d’éviter d’affronter un problème devenu explosif.
En réalité, la filière phosphatière est aujourd’hui au cœur d’un dilemme politique : elle n’est plus compétitive, elle n’est plus modernisée, mais elle reste difficile à remettre en question dans un pays où elle fait vivre des milliers de familles. La Tunisie continue ainsi de soutenir un modèle qui ne répond plus vraiment aux besoins du présent – tout en retardant la réflexion sur ce que pourrait être l’après-phosphate.
Mobilisations citoyennes, répression et rupture : quand Gabès force l’État à regarder la crise en face
À ce stade, un fait s’impose : si le dossier avance, ce n’est jamais par volonté politique, mais sous pression sociale. Depuis plus de dix ans, des associations locales, des collectifs de pêcheurs, des agriculteurs et des habitants alertent sur la situation. Ces mobilisations, longtemps fragmentées, n’ont cessé de s’accumuler sans produire de changement réel.
L’automne 2025 marque un tournant.
Les estimations du nombre de participants varient selon les sources, mais toutes convergent vers une mobilisation exceptionnelle pour la région. Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la grève générale du 21 octobre « a rassemblé plus de 100 000 personnes », un chiffre également avancé par le collectif Stop Pollution de Gabès et des militants locaux. D’autres médias tunisiens, comme Business News ou Afriquavenir, évoquent plutôt 40 000 à 50 000 manifestants. Quelle que soit l’estimation retenue, la journée du 21 octobre frappe par son ampleur et par sa composition. Sans partis politiques traditionnels, sans organisations structurées, elle rassemble étudiants, enseignants, médecins, avocats et même des représentants du patronat local. Et surtout, elle porte une revendication claire et frontale : « Le peuple exige le démantèlement des unités polluantes. »
Face à ce mouvement massif, l’État répond par la force. Arrestations nocturnes, intimidations, surveillance numérique, usage répété de gaz lacrymogènes pour disperser les rassemblements : la contestation environnementale bascule rapidement dans le politique. Revendiquer le droit de respirer devient une forme de dissidence.
Gabès cesse alors d’être un dossier local : elle devient un révélateur.
Un révélateur d’un État qui peine à réformer, d’un secteur économique qui ne tient plus debout, d’un modèle administratif qui s’érode. Et surtout, un révélateur d’un climat national où d’autres crises – colère des jeunes médecins, tensions autour des prisonniers politiques, grève à Sfax, mouvements sociaux dans l’éducation – témoignent d’une défiance croissante envers les institutions.
Gabès cristallise ainsi quelque chose de plus profond : un sentiment partagé d’abandon, de stagnation et d’absence de réponses durables. La région n’est pas seule à crier ; elle est simplement la première où tout converge – économie défaillante, pollution persistante, gestion sécuritaire et absence de perspectives.
Conclusion : un moment de vérité pour un système arrivé à bout de souffle
Gabès n’est pas un incident isolé.
C’est le symptôme le plus visible d’un modèle économique conçu dans les années 1970, utile à l’époque mais devenu, au fil des décennies, un poids écologique, social et financier. C’est aussi le symptôme d’un mode de gouvernance qui proclame des ambitions mais peine à les traduire dans les faits.
La crise actuelle force désormais l’État à regarder en face ce qu’il a longtemps différé : que faire d’une filière qui ne crée plus la valeur espérée, qui abîme durablement son environnement et qui demeure pourtant un pilier social pour des milliers de familles ? Plus largement, c’est le modèle de développement lui-même qui se trouve interrogé : peut-il encore reposer sur l’épuisement de ses territoires, ou doit-il s’engager dans une transformation profonde, politique autant qu’économique ?
L’ampleur des mobilisations de 2025 marque un seuil. Elles ne naissent pas d’un incident isolé, mais de l’accumulation de décennies de déséquilibres, d’inégalités territoriales et de promesses différées. Elles obligent un pouvoir déjà confronté à d’autres tensions – sociales, politiques, économiques – à clarifier ses choix là où, jusqu’ici, il avait pu temporiser.
Reste une interrogation centrale : Gabès sera-t-elle le point de départ d’un réajustement nécessaire, ou l’épisode supplémentaire d’un système qui atteint ses limites sans parvenir à se réinventer ?
La réponse conditionnera non seulement l’avenir de la région, mais aussi la capacité du pays à sortir d’un modèle arrivé, à bien des égards, au bout de son souffle.
- Rapport national sur l’état de l’environnement 2010–2011
- Rapport national sur l’état de l’environnement 2019 (extraits traduits du rapport arabe)
- Audit environnemental et social du Groupe chimique tunisien 2025
- Plan environnemental du Groupe chimique tunisien 2009–2020
- Stop Pollution Gabès
- Al Jazeera 2013 Pollution in Gabès
- Al Jazeera 2015 Cancer hotspot
- Al Jazeera 2023 Pêche et mortalité marine
- Al Jazeera 2025 Hospitalisations liées à la pollution
- Al Jazeera 2025 Grève générale à Gabès
- Al Jazeera 2025 Galerie photo crise pollution Gabès
- Jeune Afrique Arrestations après manifestations anti-pollution
- Jeune Afrique Entretien avec ingénieur sur blocage de la situation
- Jeune Afrique Gabès en grève générale
- Jeune Afrique Coopération chinoise et crise de Gabès
- Jeune Afrique Mobilisation pour fermeture du complexe chimique
- Jeune Afrique Gabès au bord de la crise
- Nawaat 2025 Réussite de la grève générale à Gabès
- Nawaat 2025 Pollution et cancer à Gabès
- Nawaat 2025 Discours officiel et illusions politiques
- Nawaat 2025 Mobilisation populaire contre le complexe chimique
- Nawaat 2025 Solidarité envers la colère populaire
- La Presse 2025 Référé contre le GCT
- USGS Mineral Commodity Summaries 2025
- Planetoscope Production mondiale de phosphates
- Investing News Principaux pays producteurs de phosphate
- Le360 Afrique Réserves mondiales de phosphate
- OCP Group Actions et projets industriels
- Jeune Afrique Phosphate marocain et investissements étrangers