Houthis - Israël : nouveau terrain d’affrontement pour Israël et l’Iran

par E.A, publié le 3 septembre 2025

L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 à l’encontre d’Israël, a provoqué une résurgence des tensions entre l’État hébreu et les territoires palestiniens. Ce conflit s’est peu à peu propagé dans les pays avoisinants, élargissant le conflit aux delà de la bande de Gaza. Des affrontements contre différents acteurs ont eu lieux, notamment contre le Hezbollah présent au Liban, l’Iran mais aussi les Houthis présents au Yémen. Ces derniers ont attaqué plusieurs cibles sur le territoire israélien, ainsi que de nombreux navires dans le golfe d’Aden. Pourquoi les Houthis sont-ils entrés en conflit avec Israël ?

Yémen : conflit interne et régional depuis de nombreuses années à l’origine de la création du groupe armé des Houthis.

Le Yémen est un pays de la péninsule arabique touché par de violents conflits depuis plusieurs décennies. Pleinement indépendant depuis 1990, le Yémen a été occupé pendant la quasi-totalité du 19ème et du 20ème siècle.

En 1839, par l’intermédiaire de la compagnie des Indes, la Grande-Bretagne capture la ville d’Aden, port au sud du pays. Point stratégique entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe, cette ville a permis à la Grande-Bretagne de s’implanter dans la région et développer ses routes commerciales. Une partie du Yémen est alors devenu propriété du Royaume anglais, qui s’est progressivement élargi jusqu’à représenter ce qui a ensuite été appelé le Yémen du sud.

En 1872 Sanaa a été prise par les troupes du sultan Abdulaziz. Le Yémen du nord devient un vilayet (une province) de l’Empire Ottoman. Démarre alors une période d’occupation du Yémen de plus d’un siècle et va être le théâtre de guérillas entre les autorités Ottomanes et les Zaïdites (branche de l’islam chiite) entre 1904 et 1911. Ces instabilités dans le pays ne cesseront pas puisqu’entre 1914 et 1918 des affrontements auront lieu entre les Britanniques et les Ottomans. Cependant, après la chute de l’empire Ottoman en 1918, la partie nord du Yémen devient indépendante, alors que la partie sud reste sous le giron anglais jusqu’en 1967.

La partie nord du Yémen est dirigée de fait depuis 1904 par l'imam des zaïdites, Yahya Muhammad Hamid ed-Din. Il affirme l’indépendance du pays et tente de résister face à l’Arabie saoudite sunnite, qui tente d’imposer cette branche de l’islam dans la région. À la suite de son assassinat, le pouvoir est repris par son fils Ahmad bin Yahya, il devient roi et se rapproche du bloc soviétique. Également assassiné, son fils Muhammad al-Badr reprend le pouvoir en 1962 mais il est confronté à une guerre civile entre le pouvoir en place, une monarchie chiite et un groupe sunnite aspirant à l’installation d’une république, soutenu par l’Égypte et l’Arabie saoudite. Le 27 septembre 1962 la monarchie est abolie, l’État est renommé République arabe du Yémen (correspondant au Yémen du Nord).

Au sud, la Grande Bretagne quitte Aden en 1967 et le Yémen du Sud devient la République démocratique populaire du Yémen, le seul État marxiste du monde arabe, soutenu par l’URSS et la Chine.

Le 22 mai 1990, la République arabe du Yémen (Yémen du Nord) et la République démocratique populaire du Yémen (Yémen du Sud) fusionnent pour former un seul État, la République du Yémen. Le dictateur Ali Abdullah Saleh, alors dirigeant de la République arabe du Yémen est nommé dirigeant du Yémen réunifié. Cependant, des contestations s’élèvent contre le pouvoir central, accusé de favoriser la capitale Sanaa et sur le clan Sanhan du dictateur dirigeant. Ainsi, la réunification n’aura pas permis d’instaurer la stabilité dans le pays, puisqu’en 1994 le Yémen du Sud tente de faire sécession, sans succès.

Les Houthis, groupe zaïdite, fait partie des contestataires du pouvoir central. Ce groupe se forme dans les années 1990 autour d’un homme, qui donna son nom au groupe, Hussein Badreddine Al-Houthi. Groupe marginalisé politiquement, exclu économiquement par le pouvoir central est particulièrement préoccupé par l’influence grandissante de l’Arabie saoudite ainsi que le pouvoir grandissant du salafisme et du wahabisme, doctrine religieuse considérées comme importées par l’Arabie saoudite.

Le chiisme zaïdite, présent au Yémen notamment chez les Houthis, se distingue du chiisme duodécimain, religion d’État en Iran. En effet, malgré leur appartenance à la branche chiite de l’islam, le zaïdisme est plus proche du sunnisme dans sa pratique et son approche juridique, tandis que le chiisme duodécimain, présent en Iran mais également au Bahreïn, au Liban (religion du Hezbollah), en Irak est plus distinct. La jurisprudence utilisée est distincte, les pratiques religieuses sont spécifiques. Le rapprochement politique entre l’Iran et les Houthis relève davantage de leur opposition commune à l’Arabie saoudite et à Israël que de leur unité doctrinale.

Conflit entre Israël et les Houthis, un conflit élargi :

Les premières actions fortes menées par les Houthis ont eu lieu en réaction au début de la guerre en Irak. Alors que le Yémen s’est plusieurs fois prononcé au sein de l’ONU en défaveur d’intervention militaires en Irak, ayant attaqué le Koweït, les États-Unis ont tout de même entamé une opération militaire. Influencé par le Hezbollah luttant contre les forces occidentales avec succès (Israël soutenu par les États-Unis), les Houthis se soulèvent contre le pouvoir en place et contre le président Ali Abdallah Saleh soutenu militairement par l’Arabie Saoudite. Malgré la mort de leur chef Hussein Al Houthi en 2004, la lutte continue jusqu’en 2010 où un cessez-le-feu est signé entre l’Arabie saoudite et les Houthis. En 2011, une révolution yéménite est lancée pour chasser le président Saleh du pouvoir. Un président est alors désigné, Abderro Mansour Hadi, mais il ne parviendra pas à rétablir une stabilité et une guerre civile éclate en 2012 menant progressivement à une prise de contrôle du Nord du Yémen par les Houthis, qui s’emparerons de la capitale Sanaa et du port d’Hudeidah en 2014. Malgré l’intervention militaire de l’Arabie Saoudite pour rétablir le président Hadi au pouvoir, les Houthis continuent de contrôler une grande partie du territoire.

Depuis, les Houthis maintiennent le contrôle sur la région Nord du pays. Ils se considèrent alliés à l’Iran car ils s’opposent à un ennemi commun : l’Arabie Saoudite. Cependant aucune confirmation n’a été officiellement fournie par l’Iran, malgré des soupçons portés sur la fourniture d’une aide matérielle aux Houthis, notamment de missiles croisières et de drones.

Depuis 2023 et les attaques du Hamas contre Israël, les Houthis se sont attaqués plusieurs fois au territoire d’Israël afin d’apporter leur support au Hamas. Plusieurs attaques ont été menées à l’aide de missiles croisières, de drones contre le territoire israélien et contre des navires suspectés d’être israélien ou soutenant Israël.

En août 2025, après quelques mois d’arrêt suite à un cessez-le-feu avec les États-Unis, les attaques ont repris, ce qui a entrainé une réplique d’Israël contre les Houthis et notamment plusieurs frappes visant Sanaa, la capitale.

Les principales raisons des attaques Houthis contre Israël sont idéologiques. Ces attaques ont été réalisées en solidarité au peuple palestinien. En effet, les Houthis considèrent la lutte contre Israël comme un devoir religieux et politique, en solidarité avec le Hamas. Depuis leur création, les Houthis cultivent un rejet d’Israël, qu’ils considèrent comme un État illégitime. Ce rejet est accentué par le soutien non-officiel apporté par l’Iran, également ennemi d’Israël, qui permet aux Houthis d’appartenir à un ensemble de groupe ligué contre l’État hébreu, et par extension, contre les États-Unis.

Pour la population, ce conflit plonge toujours plus profondément le pays dans une crise humanitaire. En effet, les répliques d’Israël contre les Houthis touchent la population et ne permettent pas d’atténuer l’instabilité politique présente dans le pays. Plus de la moitié de la population a besoin d’une aide humanitaire urgente et quasiment la moitié de la population est en situation d’insécurité alimentaire. Ce conflit a engendré le déplacement interne de 4 millions de yéménite afin d’échapper au conflit.

Sources